dimanche 28 août 2011

Le genre dans le texte 2/2

La politique nationale de promotion du genre adoptée en 2009 par le Bénin a suivi la même logique qu'au Burkina. Elle a été lancée suite à une politique de promotion de la femme qui date de 2002 et dont la principale lacune était que son approche focalisée uniquement sur les femmes n'avait pas permis de réduire  véritablement les inégalités de genre.
Le glissement de l'approche « femmes dans le développement » vers celle du « genre et développement » suit la logique de l'ensemble de la communauté internationale. Si au Burkina ce glissement s'est mal opéré en raison d'une mauvaise compréhension du concept genre, au Bénin, l'analyse qui préside à la nouvelle politique est intéressante.



La définition du genre dans cette politique est celle des « rapports entre les hommes et les femmes » et l'objectif de la politique nationale genre est de «  corriger les déséquilibres des rapports de genre ». On retrouve même en introduction du document le mot patriarcat, qui fait peur à tant de gens :
« On dénombre [au Bénin] différents groupes socioculturels et plus d'une soixantaine d'ethnies avec des pratiques socioreligieuses multiples et variées (chrétiennes, islamiques et animistes). L'appartenance à chacun de ces groupes confère une spécificité dans les rapports entre homme et femme. Mais, la structure sociale est généralement patriarcale. Celle-ci est à la base des relations sociales et de pouvoir inégales instituées entre les sexes dans l'ensemble des groupes socioculturels du pays. »

S'ensuit une analyse complète des rapports inégaux de sexe dans la société béninoise. Extrait :
« Au Bénin, les principes socioculturels concentrent tout le pouvoir de décision dans les mains de l'homme. Ce statut de domination de l'homme sur la femme couvre la quasi-totalité des dimensions de la vie sociale, notamment l'éducation ou la scolarisation des enfants, la santé, la sexualité, la planification familiale, l'exercice d'une activité politique, sociale ou économique, etc. […]
En matière de sexualité, notamment au sein du foyer conjugal, la décision de l'acte sexuel est en général du ressort du mari. La femme a l'obligation de répondre aux besoins sexuels de son mari, alors qu'en retour, elle ne peut exprimer les siens. Le refus de l'acte sexuel par la femme n'est socioculturellement pas admis ; il est assimilé à l'infidélité et conduit à des violences physiques (chatiment corporel) à l'encontre de la femme ou à sa répudiation. »
Un extrait détaille l'impact des rapports de genre en matière de mariage. Si l'auteur souligne à juste titre que ces pratiques ont connu des évolutions importantes, il tend néanmoins à les minimiser en les réduisant à quelques localités du milieu rural. Extrait :

« les inégalités les plus importantes s'observent en matière de nuptialité. Le mariage précoce et/ou forcé ainsi que la polygamie constituent des pratiques strictement associées aux violations des droits des femmes dans les localités béninoises. Si les jeunes filles semblent actuellement plus libres dans le choix de leur conjoint (recul des mariages forcés) dans les milieux urbains, et, si les phénomènes du mariage par échange (cas des localités de l'Atacora ouest en l'occurance à Matéri) ou du mariage aumône (chez les musulmans de la Donga) ont beaucoup régressé, la fille demeure écartée quant au choix de son conjoint dans plusieurs autres localités du pays, par exemple à Nikki dans le Borgou.
Par ailleurs la polygamie est une pratiques encore répandue dans tous les départements du pays.»
La politique genre est un document utile et complet, une bonne base pour l'action. On se demande alors pourquoi il y a si peu d'actions menées au Bénin pour promouvoir des relations de genre moins inégales.
La réponse est dans le plan d'action genre.
Le plan d'action genre est la déclinaison de la politique en axes de travail. Si la politique genre a été rédigée par un consultant muni d'un bon background théorique, le plan d'action a lui été rédigé à la suite de plusieurs réunions de concertation avec les différents ministères et les organisations de la société civile.
Le rapport de force entre les partisans du genre et les autres a joué son rôle lors de ces réunions : tout ce qui, dans le document de politique, faisait référence au genre comme rapport inégal de pouvoir entre hommes et femmes a disparu au profit d'un empowerment économique des femmes, censé résoudre tous les problèmes. Toutes les  lois et normes citées dans la politique genre comme étant des freins à l'égalité femmes-hommes ont disparu. Aucune action n'est prévue pour lutter contre la polygamie, le lévirat ou les mariages forcés.

Les activités visant l'empowerment économique des femmes (comprenez ici : activités génératrices de revenus censées augmenter le pouvoir économique des femmes et équilibrer ainsi les rapports hommes-femmes) apparaissent comme la solution miracle, qui ferait presque oublier tous les freins juridiques, politiques et socioculturels à l'égalité femmes-hommes, pourtant citées dans la politique genre.

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